mardi 7 septembre 2010

"Onze rêves de suie" de Manuela Draeger


Je l'ai reçu hier alors que je l'attendais avec impatience. Issue de l'imaginaire d'Antoine Volodine, Manuela Draeger affirme son existence au delà des rêves par ce livre. Jeu d'artifice littéraire direz vous ? Non, c'est la preuve que l'oeuvre d'Antoine Volodine et de ses compagnons du post-exotisme s'inscrit dans les marges des rêves, au delà des balises traditionnelles.

J'attendais donc ce livre et je me suis installée pour le lire aussitôt reçu.
D'habitude, je lis mes livres avec mes yeux. Là, tout de suite, j'entends quelqu'un. C'est moi, ma voix qui murmure l'incantation du texte. Ces mots m'incitent à murmurer le texte. Je le lirai à Jeff à haute-voix pour partager l'émotion.
Onze rêves de suie au delà du grand incendie qui brûle quelques dissidents des habitudes.
Un groupe de jeunes, à l'occasion d'une manifestation interdite, mais programmée néanmoins dans les rituels de la société, s'écarte justement du rituel. Insoumis, subversifs, ils en veulent plus que d'habitude. C'est vrai qu'ils ont été bercés par les contes de Mémé Holgode. Vieille femme, prolétarienne, révolutionnaire jusqu'au bout, au delà des horreurs après l'utopie rayonnante. Mémé Holgode a donné du rêve aux enfants. En grandissant, ils veulent aller plus loin, retrouver les incandescences de l'utopie.
C'est alors que tout s'embrase. Au coeur des flammes qui les emprisonnent, ils partagent leur mémoire avant de mourir. Nous découvrons ce qui les a amené là. Nous découvrons la  survie après l'horreur concentrationnaire, la survie après les rêves consummés, la survie après tout, malgré tout.
Ce livre, lu d'une traite, je vais m'empresser de le relire. Parfois, c'est étonnant, c'est comme ci je retrouvais un texte que je connaissais déjà. Comme s'il était là, dans ma propre mémoire. Ce texte délivre nombre de mes ombres.
Née dans les années cinquante, impossible de vivre sans porter le poids des usines de mort, de l'industrialisation de la mort et ensuite de la vie en consommaton futile. L'industrialisation jusqu'au bout.
L'anéantissement probable de l'humanité une fois que la bombe, la BOMBE a fusionné un matin d'août au japon, je n'ai jamais pu la mettre de côté, l'oublier.
Et puis il y a toutes les horreurs quotidiennes ici et là dans le monde, qui s'acharnent à briser les rêves, les désirs des humains à être ensemble.
Alors, lire Volodine et ses compagnons du post exotisme, c'est parvenir à rester debout avec ses rêves dans les mains, arriver à les partager un peu avec les autres, à vivre malgré tout, en désespérant de tout mais avec beaucoup d'optimisme et d'éclats de rire. Malgré la lucidité morbide, parvenir à créer quelques fragments de rêves pour que, on ne sait jamais, quelque chose de bon puisse surgir dans les enfances.
Alors, si vous ressentez un peu ce mal-être, Volodine et ses compagnons vous aideront en poésie des mots, à rester debout malgré tout, en résistance à la soumission par le vide des pensées.
A lire pour toujours.

Onze rêves de suie de Manuela Draeger. Aux éditions de l'Olivier

Muriyat

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