vendredi 3 septembre 2010

Des lectures pour la rentrée !

La rentrée littéraire, je m'en moque un peu. Je lis toute l'année. Aussi comme chaque mois, je butine dans les nouveautés ou les rééditions en poche pour des séances de rattrapage. Voici les derniers coups de coeur.

"Aurora, Kentucky" de Carolyn D. Wall
Aurora, Kentucky, un petit village des états unis où la couleur de peau déterminait votre devenir, Olivia se raconte et nous raconte son histoire. Comment elle en est arrivée là, en solitude dans la vieille épicerie familiale, avec sa vieille mère folle, un petit fils qu'elle aime plus que tout, une fille en vadrouille quelque part et des amitiés parmi la population noire de la ville. Pour les autres, elle n'existe pas. Trop pauvre, trop fière, pas conventionnelle, trop familière avec les gens qu'on dit "de couleur", une couleur qu'Olivia voudrait avoir, parce que, dans son illusion de petite fille, la tendresse ne vient que de ce côté là, dès lors qu'elle perd son père. Le pire étant qu'elle se pense responsable de sa mort. Dès lors, sa vie s'enfonce dans les ombres, à part une embellie d'amour. Mais trente ans après, engourdie, comme anesthésiée par tous les chagrins, elle se réveille parce qu'on veut tuer ses loups. Les descendants des loups que son grand père a rapportés d'Alaska. Ces loups qui symbolisent son lien avec la terre. Alors, Olivia veut percer le voile des illusions, un voile de chagrin et de douleurs qui l'ont empêchée de voir la vérité. Une belle histoire d'humanité qui fait battre le coeur plus fort. Un récit humain qui me fait penser à Wisconsin. Des livres qui disent les ombres et les lumières de l'humanité et comment certains êtres vous aident à vous enchanter la vie.
A lire pour avoir le coeur plus grand

"La tendresse des loups" de Stef Penney
Un roman, un vrai qui vous embarque au delà de vos horizons entravés, le grand nord canadien, le froid extrême, la vie des trappeurs, la tendresse des loups, la solitude des femmes, le silence des hommes. Au fur et à mesure qu'on suit chacun des personnages, qu'on suit leur piste, parce qu'il faut bien retrouver celui qui a tué dès les premières pages, on dévoile couche par couche, trame de vie par trame de vie, la réalité des sentiments de chacun. 600 pages pour aller au plus profond des âmes, tout comme on traque les signes de passages dans la neige, dans la boue, on traque les états d'âmes via le filtre des sensations remises au vif par les évènements qui surgissent au fur et à mesure. On remonte et on redescent le cours du temps. On découvre les femmes et les hommes murés dans leur non-dit.


A lire pour parcourir les grands espaces de la nature et les espaces infinis de l'âme humaine.





Une surprise avec Henri Cueco et "Le chien Boomerang".

Aussitôt reçu, à peine feuilleté et je laisse tout en plan pour lire ce livre. De la tendresse comme on en a besoin. Pas de la tendresse dégoulinante, mais de la tendresse réconfortante, fortifiante. De quoi tenir avant de poursuivre la route. Henri Cueco en racontant ses deux rencontres animales, le chien Loulou et le chat Caramel, réveille nos souvenirs de ceux qui nous ont accompagné et ceux qui nous accompagnent encore, en facéties, fantaisies, grosses bêtises et autres accidents de la vie, nos animaux de compagnie. C'est comme ça qu'on les appelle. Mais ils sont bien plus que ça. Bien plus qu'une compagnie. Souvent ils nous rappellent à l'ordre du présent, celui de la vraie vie, à l'ordre des sentiments qui comptent vraiment. Henri Cueco vient de m'enchanter. Le chien Charlou est câlé contre moi. Il écoute mes gloussements de rire, il guette la gorge qui se serre quand s'en vient le moment du grand voyage.


Des livres comme ça, j'en voudrais plein d'autres à lire pour faire face à la vie qui grisaille et déraille.
Henri Cueco, il joue avec la palette des mots et c'est un vrai plaisir à le lire. A le lire à haute voix aussi.
C'est tellement irrésistible, les aventures du chien Loulou, qu'on a envie de partager ça avec l'autre. Et les mots de Cueco s'installent à l'aise dans votre bouche pour une lecture à haute voix.
A lire et relire en partage.
"Joue, joue sans t'arrêter" de Greg Dawson
C'est un récit, un témoignage rapporté plutôt qu'un roman. C'est le témoignage d'une mère qui dévoile enfin à son fils ce qu'elle a vécu pendant la seconde guerre mondiale en tant que juive en Ukraine.


C'est l'occasion d'avoir un témoignage rare sur une partie de la Shoah qui est peu racontée, la Shoah par balles, génocide par balles, mise en oeuvre par les einsatzgruppen et les nationalistes locaux antisoviétiques. Récemment, la télévision donne à voir des documentaires avec quelques témoins des évènements. Des Ukrainiens, des Polonais qui jusque là gardaient le silence. C'est une horreur aussi indicible que les camps d'exterminations. Et une absence de reconnaissance jusqu'à maintenant.

Pourquoi une mère ne raconte pas à son fils l'indicible ? Parce qu'on ne dit pas l'horreur à un enfant, c'est le choix de Janna, enfant pendant la guerre. Parce que Janna et Frina ont choisi, non pas d'occulter leur mémoire, mais de vivre le présent et l'avenir. Vivre vraiment. Intensément, en cherchant toujours ce qui est beau dans l'âme humaine. Comme si le fait qu'elles soient musiciennes, non seulement leur avait permis de sauvegarder leur vie matériellement mais surtout spirituellement. La musique en elle et le don de la musique qu'elles ont fait aux autres à tous les autres, mêmes aux ennemis, aux tortionnaires, les garde de toute souillure.

Alors le fils raconte ce qui lui est enfin révélé, par bribes, par récits, ce qui ne permet peut être pas au lecteur de s'impliquer vraiment. Mais en cela, Greg Dawson respect le choix de Janna, sa mère, garder la distance avec les émotions pour ne raconter que les faits, tout comme quand elle interprête un compositeur, elle laisse la place à la musique. Là, elle laisse les faits dire l'horreur simplement. A nous de faire avec nos émotions.

Ce que je retiens de cette lecture peut se résumer par ce court extrait : "La musique nous avait toujours sauvées. Elle seule nous avait arrachées aux pires abominations dont les hommes étaient capbles. C'était elle qui nous avait gardées en vie. Sans elle, il y a longtemps que nous aurions été broyées."

La musique chevillée au corps lui a permis à elle et à sa soeur de garder un sentiment positif de l'humanité.


 
"Indian creek" de Pete Fromm
J'ai lu ce livre de Pete Fromm, un récit de sa vraie vie, un témoignage, sans aucun à priori. J'avais juste envie de me balader en pleine nature. De partager l'expérience d'un jeune homme sans grande expérience face à un hiver seul dans les Rocheuses. Quelques mots sur la quatrième de couverture m'avaient donné envie de vivre l'aventure : au garde qui lui conseille de préparer sept cordes de bois pour se chauffer, le jeune homme s'inquiète : c'est quoi une corde de bois. Et tout à l'avenant ? La vie en pleine nature, en prise directe avec les éléments et juste le souvenir de ses expériences de randonnées et de camping avec ses parents. Un hiver dans le montana, c'est rude à vivre. Le vivre en pleine solitude sans perdre la raison, c'est autre chose. J'ai savouré chaque mot de ce livre, le désir de l'aventure suscitée par la lecture d'explorateurs et de manuels de survie, la confrontation avec la réalité autrement plus cruelle. N'est pas trappeur qui veut. La remise en question des à priori. Et puis enfin, le cheminement du jeune homme qui finalement, à travers cet atelier d'écriture en pleine nature, le mènera vers sa réelle vocation, écrivain. L'humour et la tendresse sont bien présents. Nul ennui dans ce long hiver. L'auteur est sans pitié envers lui même. Et puis la rencontre avec le chien Boone. Je n'ai pas lu ça comme un ouvrage de philosophie mais on peut en tirer quelques leçons sur nos façons de vivre au détriment de la nature.
A lire

 
  "Les jeux de la nuit" de Jim Harrison
Trois longues nouvelles de Jim Harrison qui nous permettent de rencontrer trois êtres humains un peu perdu qui retrouvent leur route par un contact quasi charnel avec la nature. La nature, les rivières à truites, les forêts ensauvagées, des plaisirs simples qui cependant aident l'âme à prendre de la hauteur face aux soucis du quotidien. Trois personnages: une adolescente, Sarah, très attachante; mon préféré, Chien Brun, indien métisse qui ne se soucie pas plus que ça de ses racines autochtones quand il s'agit de philosopher mais qui tire son plaisir de vivre de la nature en accord avec elle; Et puis, il y a le "loup-garou, enfin un jeune homme assoiffé, dépassé, consummé par ses instincts suite à une morsure de jeune loup.


La sensualité est débordante et jubilatoire. Nos trois héros perdus trouvent leur juste place dans l'univers. C'est écrit simplement, sans pathos. Il y a même une certaine brutalité, celle des instincts primpordiaux de la vie, qui peuvent faire franchir la limite... En lisant ces trois nouvelles, c'est comme un grand souffle d'air qui vous emporte, le bruit de la pluie, la peur du loup ou de l'ours qui sommeille en nos enfances, une peur délicieuse, et puis l'envie irrépressible d'aller faire un tour dans la forêt la plus proche de chez soi.

Un recueil de longues nouvelles, pour ceux qui aiment à s'attacher aux personnages, comme trois romans courts. A lire pour découvrir Jim Harrison qu'on appréciera d'autant plus quand on lira "Dalva. A lire pour ceux qui aiment les écrivains de la nature, le "nature-writing".  
 
Voilà, c'est en quelque sorte "mon thé aux livres" personnel.
 
 
Muriyat

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