jeudi 6 novembre 2008

Le cantique de l'apocalypse joyeuse de Arto Paasilinna


Avec un titre pareil, "le cantique de l'apocalypse joyeuse", Arto Paasilinna vous offre une invitation jubilatoire à préparer la fin du monde. Ce monde consummériste dans lequel nous nous complaisons sans aisance d'où nos récriminations quant au pouvoir d'achat. Car s'il est un pouvoir que j'aime ignorer, c'est bien celui d'acheter. Sauf des livres. Des comme celui ci !

Arto Paasilinna, je l'ai rencontré dans ma bibliothèque préférée, à Saint Nicolas d'Aliermont, petit pays de bout de monde dont la spécificité est de s'étirer en longueur, d'avoir été le royaume de l'horlogerie normande et maintenant d'assumer sa pollution dûe aux petites aiguilles des réveils que l'on pouvait voir la nuit... Voilà, c'est presque un village qui pourrait passionner Arto Paasilinna avec certains de ces habitants et leurs histoires de vraies vies. Comme dans bien d'autres villages. Arto Paasilinna regarde les gens avec un coeur géant et une pensée anarchique toujours subversive.

J'oublais de vous dire qu' Arto Paasilinna est finlandais. Et à travers son prisme, j'aime beaucoup les finlandais.

Donc, sur le rayonnage de la bibliothèque, le jour de notre rencontre (avec un de ces livres), un titre attire mon regard "Petits suicides entre amis". Faut dire que ce jour là, comme d'autres jours de ma vie, j'étais particulièrement déprimée. Moi, je suis soit déprimée, soit exultante, jamais entre les deux. Donc je me dis, bonne idée que ce livre. C'est pile poil pour mon état d'esprit. Aussi le soir, quand mon compagnon se mit à entendre des gloussements de rire sous ma couette, il s'est demandé si je pleurais pour de vrai. Non, j'étais juste en train de rire joyeusement. Parce que Arto Paasilinna est extrêment jubilatoire. C'est le mot qui lui convient. Il vous donne envie d'agir intensément.

Donc pas question que je loupe mon rendez vous avec "Le cantique de l'apocalypse joyeuse". Je sors de la lecture d'une trilogie de science fiction ("Les enfants de la destinée" de Stephen Baxter" et si l'apocalypse était au rendez vous, elle était tout sauf joyeuse. (Entre parenthèse, je vous en recommande la lecture, parce que c'est plus vivifiant qu'un café philosophique sur la thématique de l'avenir de l'humanité).

Un détail que je n'avais pas "imprimé" au début. J'oublie toujours que les publications des romans de Arto Paasilinna nous arrivent en décalage temporel. Ce roman a été écrit en 1992. Comme quoi, pour ce qui est de l'anticipation, il a l'intuition, notre finlandais.

Donc revenons à notre apocalypse, dans un petit village de Finlande un homme qui a bien vécu, bien résisté aux forces du grand capital, bien milité pour ses idéaux "communistes" jusqu'à brûler quelques églises, voyant sa fin venir, décide de léguer le fruit de son travail à son petit fils pour qu'il construise une église. Non pas qu'il remette en question ses convictions, non, il fait ça pour "déranger". Et pour déranger, ça dérange. Parce qu'on ne construit pas une église comme ça y compris en Finlande. Mais notre rebelle possède des hectares de forêts et de lacs. Et son petit fils ne manque pas de personnalité non plus. Revenu de tout, faillite de son entreprise, de son mariage, il prend à bras le corps l'idée de son grand père et envers et contre tous, il construit cette église au coeur de la nature. Comme un hymne à cette nature, un rituel compassionnel pour lui demander pardon au nom de toutes les exactions que les hommes ont commis contre elle.

Parce que même si au début du roman, nous sommes dans les années 90, nous sommes au bord de la troisième guerre mondiale qui a effectivement lieu quelques années plus tard. Au fait, c'est en ce moment.

Et la Russie y a sa part.

Bon, ne déprimons pas, l'apocalypse est joyeuse. Parce qu'au coeur de la forêt, autour de cette église, un petit groupe d'hommes et de femmes mettent leurs énergies en commun pour construire une autre vie.

Des écologistes se joignent au mouvement et découvrent la valeur ''travail" avec la fête en plus parce qu'affinités avec les villageois.

Cette apocalypse est un hymne contre l'administration et ses méandres.

L'administration religieuse, laïque, internationale. Arto Paasilinna pourfend joyeusement.

Les tribulations du petit groupe de résistants sont irrésistibles. Tous sont là pour résister à l'ennui de la vie. Ils ont la chance de passer à côté de quelques missiles et nuages radioactifs et ils tiennent le choc... Ils se remettent en question. L'anarchie c'est bien mais parfois ça confine au désordre. Donc, il faut bien s'accommoder de quelques règlements.

Néanmoins, malgré les difficultés matérielles et administratives, nos libertaires vivent bien la fin du monde. Leur monde résiste de toute la force de leur désir de plaisir.

Bon pour tout dire, c'est une lecture jubilatoire. Qui vous évite la déprime de la rentrée, qui vous incite malgré tout à tempérer vos comportements vis à vis de la planète et vous donne envie d'aller cheminer au fin fond d'une forêt de Finlande.

Merci Arto Paasilinna. Merci aux éditions denoël et si vous pouviez faire quelque chose pour accélérer les publication afin qu'on rattrape notre retard de lecture.

Tous les romans de Paasilinna ne sont pas excellents. Mais tous vous donneront le sourire. Et celui-ci est parmi les meilleurs.



Le cantique de l'apocalypse joyeuse de Arto Paasilinna chez Denoël et merci à la traductrice Anne Colin du Terrail


Muriyat

3 commentaires:

  1. Tu en as dit assez pour me donner envie d' acheter ce livre, Channe !

    Enfin une apocalypse qui remonte le moral...merci !

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  2. Pas de quoi, j'adore donner des sourires

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  3. J'aime bien l'esprit de votre blog... Je me suis permise de le référencer sur le mien (j'y reviendrai ainsi plus souvent).
    http://heureuxplantain.blogspot.com/

    J'y suis venu attirée par Robin Hobb et Arto Paasilinna (des lectures que nous avons en commun). Et bien d'autres choses m'ont donné envie de m'attarder.

    Mercipour la découverte!

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